La démonstration du Karabakh de la xénophobie de l’Occident

Avec l’exemple du Karabakh, la civilisation occidentale a clairement démontré son double poids. Malgré les raisonnements différents sur les valeurs du multiculturalisme, l’Occident envoie au monde un message sans ambiguïté: les sanctuaires musulmans et les monuments culturels peuvent être détruits, ceux des chrétiens – en aucun cas!

En mai 1988, dans la ville de Choucha, où plus de 90% des 14 000 habitants [1] étaient les azerbaïdjanais, 184 monuments d’architecture ont été officiellement enregistrés [2].

Les 8 et 9 mai 1992, des forces armées arméniennes ont pris la ville de Choucha.

Hovik Vardoumian, un participant aux hostilités du côté arménien, a publié en 2012 un livre consacré à l’opération de capture de Choucha [3]. Il a utilisé les souvenirs d’autres participants aux hostilités du côté arménien et les documents du commandement des formations armées arméniennes. De la description des événements des 8 et 9 mai 1992, tels que décrits par Vardoumian, il ressort que la forteresse de la ville du XVIIIe siècle a été soumise à des bombardements particulièrement massifs; des batailles ont également eu lieu dans la zone de la mosquée [4].

Le 11 mai 1992, le président par intérim de l’Azerbaïdjan, Yagoub Mammadov, a envoyé un message au président russe Boris Eltsine. Il a noté que “la ville de Choucha est pratiquement détruite” [5].

Le même mois, le ministre de la Culture de l’Azerbaïdjan, Polad Bulbuloglu, a envoyé des messages au directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor, au secrétaire général du Conseil international des musées Elisabeth des Portes, ainsi qu’aux ministres de la culture des pays européens [6]. Le message contenait une demande de protection des monuments culturels et historiques de Choucha. Le ministre azerbaïdjanais a noté:

“Dans cette belle ville, autrefois une station balnéaire, riche en monuments d’architecture et d’art anciens, des musées d’histoire de la ville et du Karabakh, des musées commémoratifs des fondateurs de la musique professionnelle et de l’art vocal azerbaïdjanais Uzeyir Hadjibeyov et Bul-Bul, une branche du Musée national du tapis, la galerie d’art Choucha ont été créés. Ces musées ont dans leur fonds des milliers d’expositions uniques appartenant à notre peuple et en même temps liées à l’histoire de la culture en général. Les envahisseurs, avec la puissance des chars et des fusées modernes, détruisent, effacent de la surface de la terre ces valeurs et commettent des actes de maraude, ils s’approprient la terre et la culture d’un d’autre”.

“En nous tournant vers vous, nous demandons sincèrement de vous préoccuper du sort de notre peuple, du sort des monuments culturels uniques qu’ils ont créés au cours des siècles… Nous vous demandons d’user de toute votre autorité, d’influencer les gouvernements, les parlements de vos pays, de faire tout ce qui est possible pour arrêter les effusions de sang et le vandalisme”,  a déclaré Polad BulBuloglu dans la dernière partie de son discours.

Nous avons étudié toutes les publications de 12 principaux médias imprimés en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis du 9 mai au 30 juin 1992 [7]. Aucun d’entre eux n’a publié même une brève note sur la destruction des monuments culturels azerbaïdjanais à Choucha. Il n’y avait aucune mention de l’appel du Ministre de la culture de l’Azerbaïdjan à la communauté internationale, pareil pour les rapports des principales agences de presse occidentales pendant la même période – France Presse, Associated Press, Reuters UK, Reuters US, UK Press. L’étude des communiqués de presse officiels de l’UNESCO, de l’ONU, de la Conférence pour la sécurité et sur la coopération en Europe, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a montré que le problème de la préservation des monuments culturels azerbaïdjanais de Choucha ne les intéressait pas du tout (pas une seule mention).

En mai-juin 1992, la zone de conflit a été visitée par des missions spéciales du Conseil de sécurité de l’ONU [8], la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe [9], la Croix-Rouge [10], ainsi qu’une délégation humanitaire française [11]. Aucun de leurs représentants n’a fait de déclaration sur le problème de la préservation des monuments culturels azerbaïdjanais par suite de la prise de la ville de Choucha par des formations armées arméniennes.

Le 8 mai 2019, le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a publié une déclaration à l’occasion du 27e anniversaire de l’occupation de la ville de Choucha“Dans le cadre de la politique ciblée de l’Arménie sur la destruction des monuments matériels, culturels et religieux dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, leur démolition et leur profanation, leur appropriation, plus de 170 bâtiments résidentiels, considérés comme des monuments architecturaux, et environ 160 monuments historiques et culturels, des salles de prière et une mosquée ont été détruits, rien qu’à Choucha, plus de 170 bâtiments résidentiels, considérés comme un monument architectural, ont été détruits et environ 160 monuments historiques et culturels, chapelles et mosquées ont été profanés et vandalisés, de nombreux manuscrits rares ont été détruits. Parmi eux se trouvaient le palais et la bibliothèque du Panakh khan, le palais du khan et le karvansaray, les mosquées “Achagy Gevkharag” et “Saatly”, le mausolée de Vagif, la maison Natavan et d’autres sites culturels“.

Il n’y a eu aucune réaction de la part des médias occidentaux et des organisations internationales à l’annonce de cette information.

Le 8 novembre 2020, les troupes azerbaïdjanaises ont occupé la ville de Choucha. Le 10 novembre, un accord a été signé entre les dirigeants de la Russie, de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, qui a mis fin aux hostilités au Karabakh. Conformément à ce document, la souveraineté de l’Azerbaïdjan a été rétablie dans 6 régions qui étaient sous occupation arménienne depuis le début des années 1990. Selon quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU de 1993, toutes ces régions sont reconnues par la communauté internationale comme faisant partie intégrante de l’Azerbaïdjan.

Depuis le 17 novembre, la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a exprimé sa profonde inquiétude quant à la préservation des monuments chrétiens du Karabakh , le Président du Metropolitan Museum of Art, Daniel Weiss,  le Secrétaire du Conseil œcuménique des Églises Ioan Sauka.

Le 19 novembre, le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité, Josep Borrell, a déclaré l’importance de “préserver et de renouveler le patrimoine culturel et religieux dans et autour du Haut-Karabakh”. 

Le même jour, le président français Emmanuel Macron a annoncé “sa volonté de prendre des mesures décisives pour protéger le patrimoine religieux et culturel de cette région”. La résolution du Sénat français, adoptée le 25 novembre, a souligné la nécessité de “préserver le patrimoine culturel et religieux arménien” sur le territoire du Karabakh. Christian Cambon,le président de la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des services armés, a déclaré [19:44] que “Le siège de l’UNESCO, situé en France, doit garantir immédiatement l’intégrité et l’inviolabilité de tout le patrimoine culturel et religieux de la région.” La députée de l’Assemblée nationale Valérie Boyer a ajouté [20:36]: “…Nous devons réagir ici et maintenant, pour préserver les trésors de l’humanité qui sont au cœur du Karabakh.” “L’héritage qui appartient non seulement à l’Arménie, mais à toute l’humanité, c’est notre héritage commun, chers collègues”, a déclaré Bruno Retailleau, président du parti « Les Républicains » au Sénat [19:34].   

Du 15 au 30 novembre, les publications occidentales suivantes ont rendu compte du problème de la préservation des monuments chrétiens au Karabakh:  The Wall Street JournalThe New York TimesSky NewsDaily MailDeutsche WelleLe FigaroPro OrienteThe Art NewspaperOstkirchenLe PointLa CroixEurasia ReviewFrance InfoLe ProgressGeo FrSmithsonian MagazineVOA NewsKathpress.  

Le silence de mort des organisations internationales, des gouvernements occidentaux et des médias en 1992 dans le contexte du problème de la préservation des monuments culturels azerbaïdjanais dans la ville de Choucha, et leur chœur uni pour la défense des sites chrétiens du Karabakh en 2020 démontrent clairement le véritable esprit du “multiculturalisme” occidental.

Les remarques

  1. Selon les données des autorités de la ville, au milieu de 1988, la population de Choucha était d’environ 14 000 personnes [journal “Bakinskiy Rabotchiy” 28.07.1988, p. 3].
  2. Journal “Bakinskiy Rabotchiy” 29.05.1988, p. 2.
  3. Vardumian O. La libération de Choucha. Les édition Edit-Print, 2012.
  4. Des instructions sur le bombardement des monuments architecturaux ou la conduite des hostilités dans leur voisinage immédiat sont contenues dans le livre de Vardumian aux pages 38, 45, 46-48, 50.
  5. Le message avec l’appel du président par intérim de l’Azerbaïdjan Yagoub Mammadov au président de la Russie Boris Eltsine est contenu dans “Novoye russkoye slovo”, la publication de l’édition américaine en langue russe du 12.05.1992, p. 5.
  6. Le texte du message du Ministre de la culture de l’Azerbaïdjan, Polad BulBuloglu, a été publié dans le journal “Bakinskiy Rabotchiy” du 15 mai 1992 à la page 2. L’édition du “Armyanskiy vestnik” n° 9 (44) de septembre 1992 indiquait que ce message était envoyé à l’UNESCO par le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan le 11 mai de la même année (soit deux jours après l’occupation de la ville de Choucha par les forces armées arméniennes).
  7. Nous avons vérifié pour toute information sur les monuments culturels, religieux et historiques de la ville de Choucha, toutes les publications du 9 mai au 30 juin 1992 des éditions suivantes: Le Monde, L’express, Le Figaro, Journal de Montréal, Les Echos, Sud Ouest, Church Times, New York Times, Washington Post, The Telegraph, Frankfurter Rundschau, National Zeitung.
  8. Le journal moscovite “Izvestia” a rendu compte de la décision du Conseil de sécurité de l’ONU d’envoyer une mission spéciale dans la zone de conflit du Karabakh, dirigée par F. Vendrell, membre du Secrétariat de l’ONU, le 13 mai 1992 [p. 2]. La même édition du 25.05.1992 annonçait l’arrivée de cette délégation à Bakou [p. 2].
  9. Le 9 mai 1992, “Novoye russkoye slovo”, l’édition américaine de langue russe rapportait l’envoi de la mission de l’organisation dans la zone du conflit du Karabakh par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe dirigée par Mario Rafaelli [p. 1].
  10. Le journal moscovite “Izvestia” a rendu compte du voyage à Bakou de la délégation de la Croix-Rouge internationale le 25 mai 1992 [p. 2].
  11. Le journal moscovite “Izvestia” a rendu compte du voyage à Bakou d’une délégation humanitaire française le 25.05.1992 [p. 2].