Andranik, Chahoumian et la Russie : l’objectif est de s’emparer de l’Azerbaïdjan
Après la mise en œuvre du génocide de masse des Azerbaïdjanais dans le gouvernement de Bakou (mars-avril 1918) par le Conseil des commissaires du peuple de Bakou dirigé par le bolchévik Stepan Chahoumian et les forces armées dachnaks, le Conseil de Bakou avec les Arméniens du Karabakh avaient l’intention d’attaquer Gandja et, plus généralement, d’établir le pouvoir soviétique dans tout l’Azerbaïdjan. Pour atteindre cet objectif, Chahoumian souhaitait également attirer à ses côtés les formations armées du général arménien Andranik Ozanian, qui a envahi la République démocratique d’Azerbaïdjan à l’été 1918.
[Р. Mustafazadeh. Deux républiques. Relations azerbaïdjano-russes en 1918-1922. 2006. p. 201]
[Andranik Ozanian. Documents et matériels.1991, p. 446]
[J. Hassanli. Révolution russe et l’Azerbaïdjan : Chemin difficile vers l’indépendance (1917-1920) 2011, pp. 91 ; 134]
[Parlement de la République démocratique d’Azerbaïdjan (1918-1920) (comptes rendus in extenso). 1998, p. 36]
L’historien allemand Jörg Baberowski écrit :
” A l’été 1918, après la proclamation d’indépendance de l’Azerbaïdjan, les affrontements entre les habitants musulmans et arméniens de cette région sont devenus incontrôlables. À Choucha, des membres du Conseil national arménien contestaient le droit de la République d’Azerbaïdjan à la souveraineté dans la région. Quelque temps après, le Congrès national arménien, réuni à Choucha, a proclamé l’indépendance politique du Haut-Karabakh. À la fin de l’été 1918, les Musavatistes ont pratiquement perdu tout contrôle sur la région, personne ne prêtant attention à leur commandant à Choucha, car il n’avait ni soutien militaire ni politique. ” Le président du Conseil de Bakou (1917-1918) et commissaire extraordinaire pour le Caucase nommé par Lénine en décembre 1917, Stepan Chahoumian, dans son rapport au Conseil des commissaires du peuple en mai 1918, écrit :
” Les troupes soviétiques devaient s’emparer du pont de Yevlakh et occuper la ligne défensive située le long de la rivière Koura, puis se déplacer immédiatement vers Elisavetpol (Gandja) afin d’organiser des rébellions arméniennes là et ailleurs. “
[J. Hassanli. Révolution russe et l’Azerbaïdjan : Chemin difficile vers l’indépendance (1917-1920) 2011, p. 134]
[Р. Mustafazadeh. Deux républiques. Relations azerbaïdjano-russes en 1918-1922. 2006, p. 201]
[J. Baberowski. L’ennemi est partout. Stalinisme dans le Caucase. 2010, p. 164]
Après avoir proclamé la formation de l’autorité soviétique au Nakhitchevan, le général Andranik, dans son radiogramme à Stepan Chahoumian en date du 14 juillet 1918, s’est dit prêt à passer avec son détachement à la disposition du gouvernement de la Russie et à soutenir la сommune de Bakou. Dans un télégramme de réponse adressé à Andranik daté du 20 juillet 1918, Chahoumian a écrit :
“ J’ai reçu votre télégramme. Le texte intégral a été communiqué au gouvernement central de Moscou. Pour ma part, je vous salue comme un véritable héros national. Mes hommages aux braves soldats qui combattent à votre côté et à toute la population travailleuse, doublement victime à la fois de la baïonnette turque et de la trahison des dirigeants nationaux. Malgré toutes les difficultés, je vous exhorte à ne pas incliner la bannière révolutionnaire. Le prolétariat de Bakou, avec le soutien renforcé des autorités russes, mène une guerre héroïque en direction de Kurdamir et d’Aksou contre les troupes de beys turcs. Lorsque nous aurons vaincu les Turcs, les khans et les beys, les princes géorgiens et la bourgeoisie arménienne, alors les paysans et les ouvriers unis de toute la Transcaucasie établiront le pouvoir soviétique lors d’un congrès général et seront à nouveau liés à la grande république russe. Je serais heureux de pouvoir vous fournir le soutien dont vous avez besoin, peut-être cherchez-vous des moyens communication. “
[Andranik Ozanian. Documents et les matériels. 1991, pp. 292-294]
Le Premier ministre azerbaïdjanais, Fatali Khan Khoyski, dans sa dépêche adressée au président de la délégation azerbaïdjanaise à Istanbul, Mammad Emin Résulzadé, datée du 23 août 1918, a écrit : ” … les troupes arméniennes d’Andranik se déplacent du côté du Karabakh, elles ont occupé une partie du comté de Zanguezour et nous ont coupé le comté de Choucha…”. Après s’être fortifiés à l’automne 1918 sur une partie du territoire de Zanguezour, déjà en septembre les détachements d’Andranik atteignaient les environs de Choucha. En s’emparant de la ville, Andranik avait l’intention d’en faire le centre de la soi-disant “Petite Arménie “. Selon l’historien allemand J. Baberowski : ” Les détachements d’Andranik semaient la mort et la destruction dans les environs de Choucha. “
[J. Hassanli. Révolution russe et l’Azerbaïdjan : Chemin difficile vers l’indépendance (1917-1920). 2011, p. 226]
[Andranik Ozanian. Documents et les matériels. 1991, pp. 446-447]
[J. Baberowski. L’ennemi est partout. Stalinisme dans le Caucase. 2010, p. 165]
Lorsque des rumeurs se sont répandues dans la ville selon lesquelles Choucha était sur le point d’être occupée par les formations armées d’Andranik, des armes ont commencé à être distribuées dans la partie arménienne de la ville. Les musulmans se sont enfermés dans leurs habitations et ont formé de petites unités militaires. Choucha a été coupée du monde extérieur et le col de la montagne près de la forteresse d’Askeran a été bloqué. Fin septembre, une famine et une épidémie de typhus ont éclaté à Choucha, la maladie a coûté la vie à 30 à 40 personnes chaque jour.
[J. Baberowski. L’ennemi est partout. Stalinisme dans le Caucase, 2010, p. 164]
Le Premier ministre azerbaïdjanais, Fatali Khan Khoyski, lors de la session parlementaire du 20 décembre 1918, a noté ce qui suit:
” …Andranik, profitant du fait que le gouvernement de la République d’Azerbaïdjan était occupé par l’opération de Bakou (la libération de Bakou avec les troupes de l’Empire ottoman des forces bolchéviks et des dachnaks), a continué à faire des atrocités à Zanguezour, en essayant de nettoyer cette région des musulmans et, à cette fin, il a mis à feu et à sang les villages musulmans sans défense qui s’y trouvaient. Ensuite, Andranik a déplacé ses opérations du comté de Zanguezour, à celui de Choucha où, à l’instigation des Arméniens locaux, il a fermé la route Yevlakh-Choucha dans la célèbre gorge d’Askeran, mettant ainsi la population musulmane de la ville de Choucha dans une position assez dangereuse “.
[Parlement de la République démocratique d’Azerbaïdjan (1918-1920) (comptes rendus in extenso). 1998, pp. 36-37]
En octobre 1918, les troupes ottomanes-azerbaïdjanaises, après avoir libéré Choucha sans combat (1er octobre), ont vaincu les forces armées d’Andranik et les (expulsant) du Karabakh. Les gouverneurs arméniens ont été contraints de reconnaître la souveraineté politique de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh.
[J. Hassanli. Histoire de la diplomatie de la République d’Azerbaïdjan. En trois volumes. Volume II. Politique étrangère de l’Azerbaïdjan (1920-1939). 2013, p. 173]
[J. Baberowski. (L’ennemi est) partout. Stalinisme dans le Caucase. 2010, p. 164]
[Parlement de la République démocratique d’Azerbaïdjan (1918-1920) (comptes rendus in extenso). 1998, pp. 36-37]
Fatali Khan Khoyski a également noté lors d’une réunion parlementaire le 20 décembre 1918:
“ Le gouvernement, ne perdant pas l’espoir que l’aventure d’Andranik et de ses associés au Karabakh puisse être liquidée pacifiquement – sans effusion de sang – et tenant également compte du désir de la partie pacifique des Arméniens d’Azerbaïdjan, a essayé d’agir en envoyant des délégations, mais malheureusement, ces démarches n’ont pas abouti aux résultats escomptés, car les cercles les cercles agressifs des Arméniens du Karabakh ont continué à persister dans leur entreprise. Le gouvernement a alors été contraint d’envoyer des forces militaires au Karabakh pour défendre les intérêts de la république et protéger la vie et les biens de ses citoyens, qui ont chassé les bandes d’Andranik sans faire de victimes civiles, ont ouvert la route Yevlakh-Choucha et y ont apporté une paix totale. Les bandes d’Andranik se sont enfuis dans les régions montagneuses de Zanguezour. Il était impossible de les poursuivre plus loin que Choucha pour certaines raisons et certains motifs. C’était la fin du mois d’octobre. ”
[Parlement de la République démocratique d’Azerbaïdjan (1918-1920) (comptes rendus in extenso). 1998, pp. 36-37]